L'échographie durant la grossesse : une fenêtre sur la mère et le fœtus


Michele Perillo et Vincent Pelsser

Par Michele Perillo

Professeur assistant de radiologie, Université McGill

Radiologiste, Hôpital général juif et Centre d’imagerie médicale Clarke

et

Par Vincent Pelsser

Professeur assistant de radiologie, Université McGill

Radiologiste, Hôpital général juif et Centre d’imagerie médicale Clarke

 

 

Depuis plusieurs décennies, les soins prénataux ont grandement progressé, parallèlement à de multiples avancées technologiques. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) fœtale et les tests génétiques permettent d'établir des diagnostics précoces et de plus en plus pointus pour de multiples maladies et anomalies fœtales, permettant une optimisation de la prise en charge prénatale et périnatale. Par contre, l'échographie demeure encore l'une des pierres angulaires du diagnostic prénatal vu son accessibilité, son absence d'effets adverses sur le fœtus et la mère, et son faible coût. L'échographie a un rôle spécifique propre selon le stade de la grossesse, soit au premier, deuxième ou troisième trimestre. Évidemment, l'échographie permet également de diagnostiquer des pathologies qui ne sont pas en lien direct avec la grossesse, comme l'appendicite, colique rénale, cholécystite ou autres.

 

Échographie du premier trimestre

 

Dans le contexte d'une grossesse normale, l'échographie du premier trimestre peut être effectuée pour dater avec précision l'âge gestationnel et ainsi obtenir la date prévue d'accouchement. Traditionnellement, l'âge gestationnel est déterminé en fonction du premier jour du dernier cycle menstruel. Il n'est par contre pas possible pour certaines femmes de déterminer avec précision cette date. De plus, la méthode traditionnelle présume d'un cycle menstruel régulier de 28 jours et devient imprécise en cas de cycles irréguliers ou de plus de 28 jours.

 

L'obtention de l'âge gestationnel est optimale lorsque l'échographie est effectuée avant la 14e semaine de grossesse. En effet, plus l'échographie est effectuée précocement, plus le datisme sera précis. L'estimation la plus précise de l'âge gestationnel est faite en mesurant la longueur cranio-caudale (LCC, ou CRL en anglais pour « crown-rump lenght »), c'est-à-dire la distance entre le haut de la tête du fœtus et ses fesses (Figure 1). Cette mesure est obtenue sur une image sagittale parfaite. Si l'âge gestationnel estimé par échographie varie de plus de sept jours avec la mesure estimée selon la date des dernières menstruations, alors la date obtenue par l'échographie sera celle qui sera retenue.

 

Dans certains centres spécialisés, la mesure de la clarté nuchale est également effectuée durant le premier trimestre, et est utilisée comme une des variables pour déterminer le risque d'anomalies génétiques telle la trisomie 21 (syndrome de Down).

 

Puisque l'échographie n'emploie pas de radiations ionisantes dommageables, elle est très souvent utilisée en première ligne pour une patiente enceinte présentant des saignements vaginaux, des douleurs pelviennes ou d'autres symptômes aigus. Bien qu'un saignement vaginal au premier trimestre puisse résulter d'une multitude de causes, la plus dangereuse d'entre elles en termes de morbidité et mortalité est une grossesse ectopique, c'est-à-dire une grossesse qui s'est implantée et se développe en dehors de l'utérus. Au fur et à mesure que la grossesse ectopique progresse, le risque d'hémorragie massive augmente. Une grossesse ectopique est idéalement diagnostiquée lorsqu'un sac gestationnel et un pôle fœtal sont identifiés en dehors de l'utérus (Figure 2). Malheureusement, pour de multiples raisons, cela n'est pas toujours possible. Une grossesse ectopique est habituellement diagnostiquée vers sept semaines de grossesse ou avant, alors que le pôle fœtal ne mesure que quelques millimètres. De plus, la localisation extra-utérine peut-être très variable, ce qui ajoute au niveau de difficulté du diagnostic. Donc, en pratique clinique, un diagnostic de grossesse ectopique est le plus souvent établi lorsque la cavité endométriale est « vide » (sans sac gestationnel), et que le beta-HCG sanguin augmente. 

 

D'autres causes de saignement du premier trimestre incluent un avortement, une menace d'avortement et un saignement sous-chorionique.

 

Dans le cas d'une grossesse au-delà de cinq semaines d'âge gestationnel, un sac gestationnel et un pôle fœtal devraient être identifiés. Il est donc raisonnable de présumer qu'une femme enceinte au-delà de cinq semaines de grossesse avec des saignements vaginaux, et dont l'échographie ne permet pas de localiser la grossesse, a soit une grossesse ectopique ou bien un avortement. Il faut prendre en considération que la plupart des femmes se présenteront pour un saignement vaginal avant qu'une échographie de datisme ne soit effectuée, et donc que l'âge gestationnel sera calculé en fonction de la date du début de leur dernière menstruation. Tel qu'énoncé plus haut, beaucoup de femme ne peuvent être certaines de cette date, ce qui entraine la possibilité de diagnostiquer une grossesse normale très précoce comme étant anormale, et d'administrer un agent abortif non requis tel méthotrexate. Dans de telles circonstances, une corrélation avec le taux de beta-HCG sérié et une échographie de contrôle sont alors nécessaires avant qu'une conclusion définitive ne soit faite. Il faut entre autres savoir que dans le cas d'une grossesse intra-utérine normale, avec un taux de beta-HCG de moins de 1000, le sac gestationnel n'est normalement pas visible dans la cavité endométriale.

 

Un saignement du premier trimestre peut survenir chez une femme dont l'échographie est normale (grossesse intra-utérine), et dont le col utérin est fermé. Cette condition est appelée menace d'avortement. Ceci survient chez environ 25 % des grossesses, et est associé à un taux de perte fœtale variant de 15 à 50 %. Dans ce contexte, la patiente devrait avoir un suivi clinique rapproché ainsi qu’une une autre échographie selon la pertinence clinique.

 

Finalement, un saignement du premier trimestre peut être expliqué par un hématome sous-chorionique, consistant en une accumulation de sang entre la paroi de l'utérus et la membrane chorionique (Figure 3).

 

Échographie du deuxième trimestre

 

L'échographie du 2e trimestre est effectuée dans le but d'évaluer l'anatomie fœtale. Elle permet d'étudier chaque organe individuellement, en s'assurant qu'il est présent et localisé au bon endroit, et que sa morphologie est normale. Par exemple, l'examen pourra confirmer la présence du cœur dans l'hémithorax gauche, que chaque chambre cardiaque a une taille normale et que l'aorte et l'artère pulmonaire sont positionnées adéquatement. Si une anomalie est détectée ou même soupçonnée, la patiente sera référée dans un centre spécialisé pour une échocardiographie fœtale et possiblement une IRM. Le diagnostic prénatal des malformations cardiaques est crucial puisqu’il permet une planification périnatale appropriée. Une chirurgie cardiaque peut dès lors être planifiée dans un environnement contrôlé dans un centre spécialisé, améliorant grandement les chances de survie. Bien qu’une description détaillée de l’évaluation morphologique fœtale au 2e trimestre est au-delà de la portée de cet article, une évaluation des organes fœtaux et la conduite appropriée en cas de détection sont traitées de la même façon (Figure 4).

 

L’échographie du 2e trimestre est très utile pour détecter des signes secondaires d’anomalies génétiques ou chromosomiques. Ceci inclut la présence d’un point cardiaque hyperéchogène, une echogénicité accrue de l’intestin, des kystes du plexus choroïde, etc. La présence de ces marqueurs, en combinaison avec d’autres facteurs, peut justifier des tests prénataux de détection d’anomalies chromosomiques plus invasifs telle une amniocentèse ou bien une biopsie chorionique.

 

L’échographie évaluera également la quantité de liquide amniotique. Une quantité trop importante de liquide, appelée polyhydramnios, peut être observée dans des conditions neurologiques affectant la capacité à avaler ou bien dans le cas d’anomalie intestinale telle l’atrésie. Une quantité trop faible de liquide, appelé oligohydramnios, suggère une anomalie rénale ou de la vessie.

 

Finalement, une évaluation de la position du placenta sera effectuée pour s’assurer qu’il ne recouvre pas complètement le col utérin (placenta prævia) ou bien qu’il ne jouxte pas le col (placenta marginal), puisque ces positions anormales peuvent entraîner des hémorragies massives durant l’accouchement. Si la position du placenta est anormale au moment de l’échographie du 2e trimestre, une échographie sera effectuée au 3e trimestre pour déterminer le besoin d’une césarienne ou non, puisque la position du placenta peut toujours se normaliser au fur et à mesure que la grossesse progresse.

 

Échographie du troisième trimestre

 

Toutes les femmes enceintes ne requièrent pas systématiquement une échographie au 3e trimestre. Lorsqu’effectuée à ce moment, une échographie sert pour l’évaluation de la croissance fœtale dans le cas de grossesse à risque principalement (grossesse gémellaire, ou femme ayant un diabète gestationnel). Elle est également utile pour réévaluer la position du placenta et la présentation fœtale (tête, siège, ou autre).

 

Conclusion

 

L’échographie demeure un outil précieux pour l’évaluation de la femme enceinte. Son utilité va de l’examen obstétrical de routine pour détecter des anomalies fœtales jusqu’à l’évaluation de situation urgentes tant du côté maternel que fœtal.